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Voici un message vide.

Personne ne s'était posé la question. Tout le monde passait au devant, sans y jeter un œil, avançait, pressé, à travers les rues propres pour rejoindre leur travail, leur maison, ou leur amante. Personne ne s'était posé la question. A chaque fois, ils voyaient la grille rouge plus bas, mais ne la regardaient jamais. Et personne, personne n'avait jamais questionné:

« Où mène-t-elle? »

Et pourtant, l'Autre avait la réponse.

L'Autre fait partie de vos conversations du matin, avec votre amie, au téléphone. L'Autre est là quand vous discutez avec cet inconnu rencontré deux heures plus tôt, au midi. L'Autre est dans votre ombre, lorsque vous rentrez du travail et racontez les derniers bobards entendus à votre femme. L'Autre est celle qui est entendue ; l'Autre est celle qui est racontée. L'Autre est vous, L'Autre sera toujours l'autre. Mais l'Autre, et ne l'oubliez pas, est toujours là.

« Heh. »

Le jeune homme jeta un oeil à son semblable, la fumée sortant de ses narines comme une bête furieuse. Il examina un instant le mégot qu'il avait entre les doigts avant de le jeter par-dessus la barrière qui lui arrivait au milieu de la poitrine.

« Heh, répéta l'autre. T'as vu, cette grille? »

L'homme dandina de la tête lascivement avant de la tourner vers la cible que son ami avait pointé d'un geste simple de la main. Il l'observa un moment, comme subitement captivé, avant de reprendre ce regard vitreux qu'il avait habituellement.

« Eh bien?

- Eh bien je te dis que cette grille, là, elle mène quelque part. Tu sais où? »

Un modeste sourire traversa l'expression du jeunet, ayant compris où il voulait en venir, en retournant le visage vers l'autre, amusé.

« Tu vas me le dire.

- Non. »

Sa main, qui s'était glissée dans sa poche pour attraper un objet quelconque, s'était figée, surprise, comme tout le reste de l'être, par la réaction. Il fronça les sourcils un moment, et abandonna, croisant alors les bras comme soudainement intéressé.

« J'en sais rien moi-même, continua le causant. Les souterrains auxquels on peut accéder avec ont été fermés - de cette seule grille rouge. Certains ont essayé d'y traverser entre les barreaux, mais... un enfant a réussi à se bloquer entre deux, vois-tu. »

Il se mit à tendre la main, comme attendant quelque chose de sa part. Le curieux comprit presque aussitôt - après cependant une ou deux secondes d'hésitation - en remarquant de nouveau l'existence de son paquet de cigarettes entre ses mains. Il tendit le tube roulé et l'autre l'installa entre ses deux lèvres, continuant son histoire:

« Mais le plus intéressant avec cette grille, c'est qu'on dit que derrière, y a une créature couleur sang. On sait pas trop ce que c'est, mais... »

Il jeta un coup d'oeil aux alentours, comme soudainement secret, et se pencha vers son compagnon, qui ne bougea pas d'un centimètre, amusé par la situation et l'intérêt du garçon.

« Une femme y a attaché son chat, avec une laisse, bien serrée. Elle y a placé ensuite une sorte de gros carton de façon à ce qu'il tienne même par vent, histoire que le chat reste du côté des souterrains. Et tu sais quoi ? La laisse est restée là ; pas le chat. »

« Oh ici, plus personne ne sait rien. Oh ici, vous savez ma dame, plus personne n'apprend cela à l'école. Oh, ma dame! je suis la plus vieille personne de cette ville, et je suis la seule à savoir cela ici. Et je me meurs. Plus personne n'apprend cela de nos jours. Allez donc raconter aux autres, qu'il y a eu une terre en-bas. Personne ne vous croira. Plus personne n'apprend cela.

Et de nos pères et de leurs fils, plus rien ne restera. »

Ainsi soit-il.

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